Moi qui en santé et contentement fus jadis

Suis aujourd’hui troublé par grande maladie

Et affaibli par les infirmités ;

Timor mortis conturbat me. [La peur de la mort me trouble.]

 

Notre plaisir ici-bas est vaine gloire

Et ce monde faux seulement transitoire

Et la chair fragile et le démon rusé

Timor mortis conturbat me.

 

Le sort de l’homme change et varie

Tantôt fort, tantôt faible, joyeux puis marri

Tantôt à danser, tantôt à mourir

Timor mortis conturbat me.

 

Rien sur cette terre qui sûr soit jamais

Comme sous le vent ploie le roseau

Ainsi ploient les mondaines vanités ;

Timor mortis conturbat me.

 

À la mort même les puissants s’en vont,

Princes, prélats et potentats,

Riches et pauvres en toutes conditions.

Timor mortis conturbat me.

 

Ni le seigneur en dépit de sa puissance,

Ni le clerc en dépit de son intelligence

Elle n’épargne ; à son terrible coup nul n’échappe.

Timor mortis conturbat me.

 

Comme elle a saisi tous mes frères,

Ainsi ma vie elle ne laissera en paix.

De force sa proie je serai.

Timor mortis conturbat me.

WILLIAM DUNBAR, La complainte des poètes