REPÈRES CARTOGRAPHIQUES
« Lire une carte ». L’expression n’est pas si anodine. Pour y parvenir, encore faut-il disposer de quelques codes pour ne pas se perdre dans la complexité du monde que les cartes tentent à la fois de saisir et de simplifier.
Objet de pouvoir, la carte n’est pas la réalité mais une représentation réductrice du réel et elle se refuse à livrer tout son sens au premier regard. Constante tentative des hommes pour apprivoiser les territoires du monde, les connaître et les transmettre, une carte ne se révèle que si l’on prend le temps de la déchiffrer.
Le premier code est celui des projections cartographiques : parfois belles, parfois ennuyeuses, elles sont la grammaire de base qui vient traduire notre Terre, ronde, sur une surface plane. Toute projection fige les lieux, fixe les points d’observation, ce qui permet à tout pays d’exaucer un rêve permanent et partagé : être représenté sur la carte comme le « centre du monde ». Parmi les plus connues, on trouve celle de Mercator qui respecte les angles et déforme les surfaces, surreprésentant les régions polaires ; la projection de Peters qui, en conservant la proportion entre les surfaces de la carte et les surfaces réelles, entend redonner de l’importance à ce qui fut le « Tiers-Monde » ; la projection conforme de Lambert, qui représente le globe tel un cône déplié ; la projection Buckminster-Fuller, qui permet de montrer le monde sur la surface d’un polyèdre, tel un seul continent unifié, très efficace pour faire figurer les flux.
Le deuxième code à déchiffrer concerne les éléments que l’on fait figurer sur la carte : ils peuvent omettre un phénomène ou le faire apparaître, imposer des représentations ou engendrer le questionnement, conforter les préjugés ou heurter des certitudes. Dans cet ouvrage, le lecteur trouvera aussi bien des cartes physiques soulignant les reliefs que des cartes politiques représentant les phénomènes économiques, sociaux, culturels et environnementaux. Les cartes ayant de l’autorité mais n’étant élaborées que par des hommes, nous avons fait le choix de proposer plusieurs projections et non pas une seule comme de coutume, par souci de clarté, respect des proportions territoriales, par goût pour l’exploration de représentations peu usitées et par plaisir esthétique. Ce parti pris entend à la fois montrer la richesse de l’appareil cartographique et indiquer l’ensemble des possibilités qu’offre un tel outil pour donner à voir les réalités d’un monde complexe. Afin d’aider le lecteur à se repérer, sur chaque carte de ces itinéraires est mentionnée la projection choisie, à la seule exception de la projection Eckert IV, référence des émissions du Dessous des Cartes et que l’on retrouve tout au long de cet ouvrage.